Malgré le respect strict de ma routine « pas de téléphone au réveil, et pendant au moins une heure » j’ai l’impression qu’il est bien compliqué de couper aux échanges houleux et aux conflits sur les réseaux sociaux et dans la vie quotidienne.
Ces derniers temps, j’observe un climat de communication extrêmement sensible, où chaque mot doit être pesé, où le climat social devient si violent où tout peut être prétexte pour attaquer, souvent en meute, et où la personne la plus virulente est souvent la plus respectée.
A l’heure de la communication positive, communiquer par la peur reste malheureusement la forme de communication la plus mise en avant dans les médias, où nos échanges au quotidien.
Et même si le mot bienveillance commence à nous sortir des yeux en ce moment, il est pourtant important de le replacer dans un juste contexte.
A 7 ans, j’ai quitté mon sud natal (Marseille-Toulouse-Lyon) pour Paris. Et j’ai découvert que la mentalité parisienne n’était pas un mythe, avec des enfants plus durs et agressifs qu’ailleurs en France.
J’ai aussi toujours vu mes parents comme deux personnes respectées car capables de s’imposer dans n’importe quelle situation. Si il faut taper du poing sur la table, ils savent tous les deux le faire très naturellement.
Depuis toujours, j’ai identifié qu’une personne avec un fort caractère était une personne capable de crier plus fort, de se faire respecter, d’imposer son idée, une personne qui fait peur. A la maternelle déjà, on valorise ceux et celles qui imposent leur personnalité tranchée, on félicite les enfants qui font la loi « ils-elles ne font pas marcher sur les pieds, c’est positif pour la suite ». Vraiment ?
Dans mon cas, je suis passée d’une petite fille douce, à une adolescente d’abord torturée, puis une jeune adulte très agressive. Tout le monde savait qu’il ne fallait pas me marcher sur les pieds, et que mes colères étaient noires. Aujourd’hui, je me rends compte qu’il n’existe pas une personne qui n’a pas subi mes colères, mes coups de gueule.
J’ai évolué dans un monde assez misogyne, où les femmes étaient assez peu respectées et où faire peur plutôt que de se faire attaquer était la stratégique à adopter. J’ai donc fonctionné comme ça pendant des années, tu oses m’attaquer, je sais crier, tu cries, je crierais plus fort.
Je peux dire aujourd’hui, que je suis tristement capable de tenir tête à n’importe qui sans vraiment flancher, et que mes colères ont réussi à régler des situations tendues, on impose beaucoup de choses par la peur.
A 25 ans, j’ai découvert le yoga, et j’entend encore ma prof nous répéter « It’s cool to be kind! Kindness, though typically considered to be a weakness, is actually a strength».
J’ai appris avec le yoga, la notion de bienveillance, de ne pas vouloir faire de mal aux autres. De ne plus m’imposer en hurlant, d’essayer de changer l’image que les gens ont de moi, de ne plus imposer de climat de peur, et tout simplement en communiquant. Faire des feedbacks réguliers plutôt que d’attendre qu’une situation dégénère par exemple, et comprendre que mon niveau d’exigence était parfois trop élevé. En quittant Paris pour les Etats-Unis, j’ai tout simplement appris à sourire, à être plus avenante, et ne plus me protéger derrière une carapace froide.
La communication de ses besoins est extrêmement importante dans la relation aux autres : personne ne peut deviner ce dont vous avez besoin, trop subjectif, à vous de communiquer ce qui vous tient à cœur, ce que vous voulez, ce que vous ne voulez pas. Et à l’autre d’écouter et agir ensuite, c’est encore un autre sujet.
Le manque de communication amène la frustration, la frustration amène la colère, la colère brise des relations amicales et amoureuses.
Avant, on me considérait comme une personne froide et distante, aujourd’hui dans mon travail je développe la communication du feedback dans une équipe interculturelle (communiquer dans une langue qui n’est pas votre langue native, avec des personnes de cultures très différentes), le cocktail parfait pour amener des incompréhensions.
Et j’entends souvent les autres me dire que je suis une personne empathique, humaine et à l’écoute. Je sais toujours être ferme pour initier un climat de respect, mais j’ai décidé de ne plus imposer le respect par l’agressivité, et je me sens aujourd’hui fière de cet accomplissement.
Evidemment, il m’arrive de perdre de mon calme, quand je suis à bout et me sens attaquée, ou plus en confiance : une évolution ne se fait jamais de manière linéaire. L’important est de revenir sur une situation d’échec de communication avec du recul, et comprendre pourquoi notre réaction. Cela m’est arrivé récemment, je n’aurais pas du m’emporter si violemment, mais j’ai compris la cause et les enseignements pour le futur. Encore et encore, nous sommes tous(toutes) des work-in-progress.
Quelques conseils pour apprendre à communiquer de manière apaisée en cas de conflit
- Ne pas attendre plus de 24h pour régler un conflit, prendre le temps de décompresser, parler à une personne de confiance avant d’initier une conversation pour désamorcer une situation difficile. Beaucoup de situations sensibles sont en réalité des soucis de communication.
- Parler d’adulte à adulte (dans l’analyse transactionnelle, on à tendance à adopter une position parent-enfant, à tort)
- Avant d’entamer une discussion pour désamorcer un conflit, demander si c’est le bon moment, et remercier ensuite pour le temps accordé
- Ecouter, vraiment, sans penser à ce que l’on va répondre ensuite
- Préférer une discussion seul(e) à seul(e) plutôt qu’en public
- Venir avec des faits concrets, et si possible des solutions